Maroilles : Tout sur le maroilles !
Le maroilles est le plus connu, le plus ancien et le plus populaire fromage du Nord ! Emblème odorant et gourmand, il est à la région Hauts-de-France ce que le comté est à la région Auvergne-Rhône-Alpes ou le camembert à la région Normandie.
J’ai vraiment compris ce qu’était le maroilles lorsque j’ai découvert sa production dans une ferme de la Thiérache, au sud du département du Nord. La traite, le caillé, l’affinage : tout ce savoir-faire qui se transmet depuis des siècles est beau à voir et à comprendre. Car bien que la production du maroilles soit réglementée depuis 1976 par une AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) et depuis 1996 par une AOP (Appellation d’origine protégée), il y a selon moi autant de maroilles que de producteurs de maroilles ! Et autant de manières de le déguster !
Avis de Gourmets vous emmène à la découverte du “plus fin des fromages forts”, à sa manière…
Un peu d’histoire sur le maroilles
Appelé autrefois « craquegnon », le maroilles aurait été inventé au Xe siècle par les moines de l’abbaye de Maroilles (son nom vient de maro-ialo, le nom gaulois du village de Maroilles qui signifie clairière). Une ordonnance très précise prescrivait aux habitants des villages de Marbaix, Taisnières-en-Thiérache, Noyelles et Maroilles, de convertir le lait de leurs bêtes en fromages le jour de la Saint Jean-Baptiste (le 24 juin) pour les remettre aux commis de l’abbaye de Maroilles le jour de la Saint Rémy (le 1er octobre) soit près de cent jours après.
En 1245, un arrêt de l’évêque de Cambrai confirmait cette ordonnance. “La Merveille de Maroilles”, comme on l’appelait jadis, se caractérise par son parfum puissant ! Cela lui a valu d’être qualifié “de plus doux des fromages forts”, (citation qui marque l’arrivée de Pierre Mauroy à Matignon, Premier Ministre venu du Nord, en 1981).
Le maroilles est tellement populaire dans les Hauts-de-France qu’il a même sa confrérie (une bande de joyeux lurons qui défendent et promeuvent le fromage lors des fêtes locales). Leur devise ? “Honni soit qui, sans maroilles, prétend tenir table loyale”. Vous êtes prévenus !
Vous vous souvenez forcément de cette scène culte de “Bienvenue chez les Chtis”, le film de Dany Boon : le facteur qui trempe son maroilles dans le café a rendu populaire le fromage dans toute la France ! Et je vous assure que c’est un vrai délice… Je vois encore mon grand-père se régaler devant sa “jatte” de “jus” (café) et sa tartine de maroilles quand il revenait du potager.
C’est quoi un maroilles ?
Je vous propose un petit cours d’anatomie fromagère ! Le maroilles est un fromage à pâte molle de couleur blanche à jaune clair, plutôt souple et à croûte lavée rouge naturelle, lisse et brillante.
Il est fabriqué uniquement au lait de vache.
En forme de pavé de 13 cm de côté et 6 cm d’épaisseur, pesant environ 720 g, le Maroilles est commercialisé sous trois autres formats bénéficiant de l’AOP (Appellation d’Origine Protégée) : le Sorbais (540 g), le Mignon (360 g) et le Quart (180 g).
Et l'AOP Maroilles, ça sert à quoi ?
L’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) existe depuis 1905 en France. Ce signe officiel de qualité permet de reconnaître un produit désigné par la zone géographique dont il est originaire. Et donc dont la typicité et l’authenticité qui en découlent. Il doit donc être entièrement fabriqué dans la zone dont il porte le nom avec des matières premières issues de cette zone. L’AOC est un sigle français. Au niveau européen, on parle désormais d’AOP. Vous avez tout compris ? Accrochez-vous, ça se corse.
Le maroilles doit forcément être fabriqué avec un lait issu de la zone géographique dite “d’appellation”, et elle est très précise. Elle correspond à la partie de la Thiérache qui s’étend au sud de l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe, dans le département du Nord, jusqu’au nord de l’arrondissement de Vervins, dans le département de l’Aisne.
Je vous ai perdus en route ? Pas de panique ! Retenez que 189 communes de l’Avesnois (Nord) et de la Thiérache (Aisne) produisent du maroilles dans la zone de l’AOP (Appellation d’Origine Protégée) ;-)
Nourriture des vaches, part de l’herbe dans les rations, typologie des pâturages, temps de fermentation, dimensions du fromage, poids, température et durée d’affinage, etc. : on ne plaisante pas avec le cahier des charges d’une AOP !
104 producteurs de lait et 16 transformateurs (6 producteurs fermiers, 5 manufacturiers, 2 affineurs et 3 collecteurs) sont aujourd’hui les garants de la méthode de fabrication traditionnelle, au lait cru, thermisé ou pasteurisé.
Pour en savoir + : rendez-vous sur le site Internet de l'AOP Maroilles
Ce qui ne veut pas dire que tous les maroilles AOP se ressemblent ! A mon goût, il n’y a rien à voir entre un maroilles fermier au lait cru et un maroilles au lait pasteurisé. A chaque producteur son lait, son tour de main, son affinage et le goût de son fromage… Alors ne vous arrêtez pas uniquement à l’étiquette de l’AOP.
Comment le maroilles est-il fabriqué ?
On va voir dans une fromagerie comment ça se passe ? Si vous êtes très curieux, je vous recommande d'aller faire un tour sur ce site pour comprendre toutes les étapes de fabrication du maroilles.
Mais si vous êtes un peu flemmards, je vous dirais en résumé qu’il y a 9 étapes, après la traite évidemment ! Car beaucoup de petits producteurs fermiers utilisent le lait de leurs troupeaux. Commençons par l’ensemencement du lait (l’ajout de ferments), l'emprésurage (ajout de présure pour faire cailler le lait), le travail du caillé (sorte de brassage), la mise en moules, le retournement et l’égouttage, le salage, le ressuyage (première mise en cave), l’affinage (et le brossage) et le conditionnement !
Ce que j’aime le plus, c’est cette étape de brossage. Voir les producteurs prendre soin de leur fromage, les brosser attentivement à la main deux fois par semaine, à l’eau et au sel jusqu’à ce qu’ils rougissent, c’est magique ! D’ailleurs, il n’y a pas de colorant sur la croûte du maroilles. Ce sont les ferments qui, naturellement, vont donner à la croûte du fromage sa couleur caractéristique.
L’affinage officiel minimal pour les maroilles AOP dure de 21 à 35 jours selon les formats. Et (beaucoup) plus si affinités…
Comment choisir le maroilles ?
Le temps d’affinage d’un maroilles de 750 g étant au minimum de 35 jours, la meilleure période pour le consommer s’étale de juin à décembre. “Tout simplement parce que dès le mois de mai, les vaches profitent de nouveaux pâturages, du regain d’herbes et elles produisent donc un lait de très haute qualité riche et goûteux”, m’a expliqué Romain Olivier, affineur des Hauts-de-France à la tête des Fromages Philippe Olivier. Il conseille de les choisir avec “un affinage de 90 à 120 jours pour les maroilles au lait d’été et entre 110, 115, voire 120 jours pour les maroilles produit hors de cette période.”
Vous le choisirez avec une croûte luisante, d’une belle couleur orangée ou brique. La pâte jaune clair doit être souple, onctueuse mais pas coulante.
Évitez les maroilles secs, cassants, “trop carrés pour être honnêtes”, où les stries des grilles bien parallèles sur la croûte sont très marquées, ce qui caractérise un “affinage à la sauvette”, selon Romain Olivier. Et si vous le prenez dans les mains et qu’il reste du colorant rouge sur les doigts, fuyez !
Un maroilles peu affiné aura peu de temps pour vieillir, il sera donc donc un peu plus ferme avec une belle palette aromatique axée sur la salinité et une texture plus crayeuse. Plus affiné, sa pâte sera plus souple avec une palette aromatique plus florale mais pas forcément plus intense. C’est l’odeur qui s’exprime avec l’affinage, de plus en plus puissante au fil du temps !
Où trouver un bon maroilles?
Si vous en avez l'opportunité, je vous conseille d'acheter directement chez les producteurs fermiers de la région Hauts-de-France et de l’Avesnois en particulier.
Parmi mes coups de cœur chez les producteurs fermiers : les maroilles de la Ferme du Pont des Loups et les maroilles de la Ferme du Château Courbet, fabriqués avec le lait riche de vaches rustiques de la race Brune (des Alpes).
Retrouvez sur notre guide de bonnes adresses collaboratif les commerces recommandés pour le maroilles. Si vous êtes de passage à Lille, rendez-vous dans les meilleures fromageries lilloises pour découvrir le roi des fromages de la région. Vous connaissez de bonnes adresses pour du maroilles de qualité ? Faites les découvrir en les recommandant sur Avis de Gourmets.
Comment conserver le maroilles ?
Les spécialistes vous le diront tous : le fromage n’aime pas le froid et sa place théoriquement n’est pas le frigo mais la cave pour préserver ses qualités organoleptiques. Mais gare à sa conservation sanitaire ! Alors gardez votre maroilles dans le bac à légumes du réfrigérateur, qui est la partie la plus humide. Laissez-le dans son emballage d’origine (souvent un papier sulfurisé ou une boîte) avec un torchon propre au-dessus et les légumes au-dessus. Et sortez-le du frais au moins une heure avant de le consommer.
Comment cuisiner le maroilles ?
Le maroilles se prête à beaucoup de fantaisies. Petit-déjeuner, casse-croûte, déjeuner, plateaux apéritifs, plat cuisiné, froid ou chaud : quelle diversité pour le déguster !
Il est incontournable sur les plateaux de fromages.
Si vous le cuisinez, ne le choisissez pas trop affiné car la cuisson rendra vos plats très salés (sauf pour la salade). Les goyères au maroilles, flamiche au maroilles, beignet au maroilles, mais aussi poulet au maroilles font partie des recettes emblématiques de la région Hauts-de-France, en particulier dans les estaminets.
J’aime particulièrement le cornet de frites à la crème de maroilles de Florent Ladeyn, devenu une signature de la street-food authentique de chez nous ! Et la simplicité efficace du péché mignon de Romain Olivier : “une belle tranche de maroilles avec un affinage d’une centaine de jours, posée brute sur fine tranche de pain de campagne au levain légèrement toastée, avec un bière artisanale blonde légèrement ambrée”. Si, si, on vous voit. En train de saliver !
Recettes avec le maroilles
- Notre Tarte au maroilles revisitée sur base de pâte brisée
- La Tarte au maroilles des Fromages Philippe Olivier
Cet article a été cuisiné avec amour par Claire Decraene pour Avis de Gourmets.